Pour un entretien routier durable : prise en compte des conséquences de l'interaction chaussée-véhicule dans l'aide à la décision des politiques de resurfaçage - illustration par un cas autoroutier français

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Thèmes : analyse cycle de vie, thèse, éco-conception
Le transport routier est un déterminant de notre bien-être: nous y dépensons 4 ans de nos vies, 10% de nos revenus, et un tiers de nos émissions de GES. Entretenir de manière optimale le réseau d’infrastructures qui le supporte selon des objectifs de durabilité avec des budgets toujours plus contraints nécessite un outil d’aide à la décision adapté. Les outils de gestion patrimoniale routière sont focalisés sur les contraintes techniques et financières. Les méthodes préconisées par le Ministère (ESE, EIE) évaluent partiellement les performances sociales et environnementales de projets de construction. De plus, le ralentissement de l’entretien des routes des 20 dernières années s’est accompagné d’une déformation des chaussées, provoquant une augmentation des consommations des véhicules (carburant, pneumatiques et pièces de suspension). Dès lors, le véritable enjeu dans l’arbitrage de stratégies durables d’entretien des routes est d’expliciter comparativement la distribution au sein des parties prenantes des coûts et avantages des différents programmes d’entretien, en tenant compte des interactions chausséevéhicule qui génèrent potentiellement des transferts d’impacts importants (hypothèse). Nous avons développé une méthode répondant à ces enjeux, basée sur une approche analytique puis systémique de l’entretien des routes, dans un souci d’équité de représentation des parties prenantes et d’exhaustivité des impacts majeurs de l’entretien. Le modèle développé permet l’évaluation quantitative, multicritère et sur cycle de vie, des stratégies de resurfaçage des routes interurbaines françaises. Adossé à une représentation physique de l’entretien du tronçon routier, il combine ensuite des méthodes d’évaluation éprouvées dans d’autres secteurs et ajustées ici à l’objet étudié : analyse environnementale et économique du cycle de vie, analyse Input-Output, évaluations financières et socioéconomiques. Sa batterie d’indicateurs inclut toutes les parties prenantes de l’entretien: usagers, riverains, gestionnaire, environnement, et société. Il utilise des données et modèles nouveaux en techniques routières, environnement, acoustique et économie, construits dans le cadre de la thèse. Une enquête que nous avons réalisée auprès des gestionnaires routiers français nourrit le propos et la modélisation du point de vue qualitatif et quantitatif sur les pratiques française d’entretien des routes. Un apport particulier est également fourni en nouvelles données d’Inventaires de Cycle de Vie pour l’entretien des routes (resurfaçage et consommations véhiculaires) et en coûts des techniques routières. Le modèle est appliqué à un tronçon autoroutier français de 10 km. Comparé à la stratégie d’entretien actuelle de cette autoroute, un entretien accru mènerait à des gains pour l’emploi et la production nationale, l’environnement (santé, biodiversité, ressources), et l’usager (dépenses). Des optimums d’entretien - sanitaire et financier - apparaissent autour de +50% d’investissement par rapport aux pratiques actuelles : les gains atteignent alors 4€ pour les usagers et plus de 700€ en vie humaine (riverains sur la supply chain complète) pour chaque euro supplémentaire dépensé en resurfaçage. En revanche, le bilan des dépenses du gestionnaire, des recettes pour l’État, et du temps passé par l’usager est amélioré par une baisse de l’entretien. Nous proposons des pistes de réflexion pour aligner les différents intérêts du modèle économique de l’entretien autoroutier en France. Des analyses de sensibilité sur le trafic, la vitesse de dégradation de surface routière et le type de technique d’entretien permettent de vérifier la robustesse des conclusions. De plus, elles montrent que, sur autoroute, la performance environnementale des politiques d’entretien ne dépend pas de celle des matériaux routiers utilisés. Enfin, notre hypothèse est confirmée : l’interaction chaussée-véhicule est dimensionnante de la performance de l’entretien autoroutier. La validation expérimentale de certains sous-modèles reste préconisée. De plus, des analyses complémentaires devront être menées avec notre modèle sur d’autres types de routes afin de se prononcer sur l’entretien des réseaux à moindre trafic.

Vous pouvez consulter la thèse d’Anne de Bortoli à partir du lien suivant : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02162111